Depuis deux ans maintenant, le gouvernement grec a en effet autorisé des forages dans le golfe de Patras, à moins de 70 milles marins de l’île sinistrée. L’on y caresse le secret espoir d’y exploiter bientôt les gisements de gaz et de pétrole qui s’y trouveraient. L’estimation des réserves de pétrole dans la mer Ionienne serait d’environ 200 millions de barils de brut. Le bénéfice escompté permettrait à la Grèce de se refaire une santé financière et de couvrir 50 % de ses besoins énergétiques. Mais à quel prix ? On imagine volontiers qu’ici comme ailleurs, les techniques de prospection, comme pour le gaz de schiste, ne s’embarrassent guère de précautions géologiques draconiennes. À la lumière de ce qui s’est passé ailleurs, les sinistrés de Céphalonie s’interrogent à juste titre : et si les séismes à répétition qu’ils connaissent actuellement n’étaient tout simplement que la résultante de ces forages pétroliers ? Des séismes « induits » en quelque sorte, qui auraient réveillé le dieu Poséidon ?

La technique de fracturation hydraulique, largement utilisée dans les forages souterrains, serait en effet associée à l’augmentation du nombre de séismes, d’après une étude américaine publiée dans le magazine Science en 2013. « Des séismes puissants qui se trouvent à des milliers de kilomètres de distance peuvent provoquer une série de secousses mineures près des puits d’injection d’eaux usées comme ceux utilisés pour le forage du pétrole et du gaz, parfois suivis des mois plus tard par des séismes suffisamment importants pour détruire des bâtiments », estime notamment Nicholas van der Elst de l’Observatoire de la Terre Lamont-Doherty à New York, qui a mené l’étude.

En Suisse, où l’on a également chatouillé le sous-sol, les travaux de forage géothermique à Saint-Gall ont provoqué en juillet dernier un séisme d’une magnitude de 3,6 suivi, comme en Céphalonie, d’une série de petites répliques pendant une semaine. Aux Pays-Bas, le mois dernier, l’extraction du gaz a été en partie interrompue, suite à la recrudescence de secousses sismiques autour des puits, passées de 110 dans les années 90 à 500 entre 2000 et 2013.

On ne peut s’empêcher, sans en avoir la certitude, d’oser pour le moins un parallèle avec ce qui se passe actuellement sur l’île de Céphalonie. Certes, ce n’est pas la première fois que la terre tremble brutalement dans cette partie de la Grèce où se trouve le lieu de rencontre entre les plaques tectoniques africaine et eurasienne. Mais depuis le dernier grand tremblement de terre de 1953, Céphalonie n’avait plus connu d’activité sismique aussi importante. Ses habitants espèrent simplement que l’on répondra à leurs interrogations sur les conséquences éventuelles des forages entrepris. En annonçant leur mise en œuvre, le gouvernement grec avait promis qu’elle se ferait en « totale transparence »… Ce qui vient de se passer mériterait pour le moins qu’il tienne parole !